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Modification d’une installation nucléaire de base

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Les installations nucléaires de bases sont soumises par l’article L. 593-1 du Code de l’environnement à un régime spécifique, indépendant du régime des installations classées pour la protection de l’environnement.

En vertu de l’article L. 593-7 du Code de l’environnement, la création des installations nucléaires de base est soumise à une autorisation, délivrée après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et enquête publique. Néanmoins, l’article L. 593-14 du Code de l’environnement prévoit que, pour une même installation, une nouvelle autorisation est nécessaire en cas de changement d'exploitant, de modification du périmètre ou de modification notable de l'installation. C’est cette dernière notion qui était en cause dans la décision commentée.

Suite à l’accident survenu à la centrale nucléaire de Kukushima Daiichi, consécutif à un séisme et à un tsunami, l’Autorité de sûreté nucléaire a, par une décision du 5 mai 2011, prescrit à la société EDF de procéder à une évaluation complémentaire de la sûreté de certaines de ses installations nucléaires de base. Les associations requérantes contestaient deux décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire prescrivant, suite à cette évaluation, à la société EDF certaines mesures afin d’améliorer la sûreté de l’installation nucléaire de base de Fessenheim. Il s’agissait, d’une part de la décision n° 2011-DC-0231 fixant à la société EDF des prescriptions complémentaires applicables au radier du réacteur n° 1 du site électronucléaire de Fessenheim, d’autre part de la décision du 18 septembre 2012 donnant son accord pour la mise en œuvre des travaux de renforcement du radier du réacteur n°1 de cette centrale impliqués par ces prescriptions complémentaires. Les requérantes soutenaient que les travaux en cause auraient dû être précédés d'une nouvelle autorisation dès lors qu'ils impliquaient une modification notable de l'installation nucléaire de base de Fessenheim.

Le recours avait été déposé dans un contexte politique très sensible au regard des engagements pris par le président de la République, visant la fermeture du site de Fessenheim . Il avait été complété d’une demande de suspension des mesures litigieuses, rejetée par une ordonnance du 12 avril 2013

Les travaux autorisés par l’Autorité de sûreté nucléaire sur le site de Fessenheim consistaient à « épaissir le radier du puits de cuve et à permettre, en cas d'accident grave avec percement de la cuve, un étalement du corium sur le radier du réacteur dans une zone de collecte, également épaissie ». Il appartenait au Conseil d’Etat de décider si ces travaux devaient être qualifiés de « modification notable d’une installation nucléaire de base », nécessitant ainsi l’octroi d’une nouvelle autorisation.

Dans l’ordonnance précitée du 20 avril 2013, le juge des référés du Conseil d’Etat avait estimé qu’il n’apparaissait pas « au vu des indications fournies tant dans le cadre de la procédure écrite que lors de l’audience de référé, que les travaux prescrits par les décisions litigieuses pourraient être regardés comme constituant une modification notable de l’installation (…) ». Dans le cadre d’une procédure de référé, le raisonnement du juge restait particulièrement laconique. Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a confirmé cette première décision. Il a relevé que les travaux en cause « doivent permettre de multiplier par plus de trois la durée minimale de percement du radier en cas d'accident grave avec percement de la cuve, sans porter atteinte, contrairement à ce qui est soutenu, à l'intégrité de l'enceinte de confinement, laquelle est au nombre des éléments essentiels de l'installation mentionnés par le décret du 3 février 1972 ». Il en a conclu que « par suite, eu égard à leur nature et à leur ampleur, les travaux visant à renforcer la résistance du radier de la centrale ne sauraient être regardés comme une modification notable d'une installation nucléaire de base au sens des dispositions du 3° du I de l'article L. 593-1 du code de l'environnement et du 2° de l'article 31 du décret du 2 novembre 2007 ».

On comprend que le point clé du raisonnement tient au fait que les travaux envisagés ne porteraient pas atteinte à l’intégrité de l’enceinte de confinement. Néanmoins, la motivation de l’arrêt demeure relativement pauvre et ne place pas le lecteur en situation de retranscrire le raisonnement juridique du juge, en particulier la façon dont il entend délimiter ce qui constitue réellement une modification notable. Comme avaient pu le relever C. Maugüé et R. Schwartz, à propos de l’article 3-II du décret du 11 décembre 1963, « le contrôle de la plus ou moins grande dangerosité d'une installation est un contrôle malaisé à exercer pour le juge administratif. Dépourvu de toute compétence technique, il ne peut que s'appuyer sur les rapports scientifiques d'experts, souvent contradictoires » . De la même façon, l’appréciation du caractère notable d’une modification est essentiellement technique. Il appartient alors au juge administratif d'être davantage pédagogique dans la formulation de sa décision afin d’en assurer la lisibilité. A défaut, il paraît bien délicat de saisir la réalité comme le degré du contrôle effectué dans de tels domaines et face à des notions aussi vagues que celle de « modification notable ».

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